Ces réglementations qui changent la donne pour les opérateurs de cloud et de centres de données
Ces dernières années ont été marquées par la mise en place d’un ensemble de réglementations pour protéger la planète et lutter contre le réchauffement climatique. L’Union Européenne a particulièrement œuvré dans ces domaines. La France aussi. Retour avec AdVaes sur les réglementations et les actions incitatives à fort impact pour les acteurs de l’écosystème du numérique, et tout particulièrement ceux du cloud et des centres de données, actifs sur le territoire français.
Les réglementations sont "toujours" contraignantes. Elles incitent à revoir les approches et favorisent de nouvelles pratiques. Elles peuvent aussi être à l’origine de changements porteurs d’innovations. Celles relevant des domaines ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) et de la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) ont une incidence à tous les niveaux pour les entreprises et les organismes publics. Elles ont des répercussions directes sur leurs écosystèmes (clients, partenaires, fournisseurs…). Les acteurs du numérique et, plus spécifiquement les opérateurs de cloud (IaaS, PaaS et SaaS) et de centres de données, ne sont pas épargnés. Au-delà, des normes et des standards commencent à émerger et à s’imposer à l’international pour disposer de critères et d’indicateurs fiables et cohérents, partageables, mesurables et opposables pour comparer leurs actions sur de mêmes bases.
Face à la multiplication des réglementations, les acteurs de l’écosystème du cloud doivent désormais agir activement au risque de se trouver dépassés par l’urgence des transformations à conduire en regard. Ils se doivent d’identifier et de mettre en place les indicateurs et les référentiels qui permettent de répondre aux enjeux associés et à l’agenda imposé tant par le législateur que par les donneurs d’ordre dans le cadre de leur propre stratégie de RSE.
Quelles sont les réglementations à fort impact pour les opérateurs de cloud en France ?
Les services délivrés par les opérateurs de cloud reposent sur un ensemble d’environnements, de plates-formes et d’infrastructures ayant des impacts plus ou moins importants en termes d’empreinte environnementale : bâtiments et salles hébergeant les infrastructures, systèmes de refroidissement et de ventilation, équipements (serveurs, appliances, baies de stockage, routeurs, commutateurs…), systèmes énergétiques (UPS ou onduleurs, batteries…), courant fort (électricité) et faible (réseaux de transport de données), logiciels, applications et micro-services de différentes natures, faisant appel à des méthodes de codage et à des langages de programmation variés…



Parmi les réglementations qu’il faut retenir début 2021 en matière d’éco-responsabilité et de durabilité, et auxquelles doivent se conformer les acteurs de l’écosystème du cloud en France selon leur niveau d’implication dans la chaîne des services délivrés, figurent entre autres :
- La Loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite Loi AGEC imposant le prolongement de la durée de vie des équipements dans le cadre de la lutte contre l’obsolescence programmée, le recyclage et la prévention des déchets, le réemploi et la réutilisation, l’économie de la fonctionnalité et servicielle, le recours à moins de plastique, la mise en place de démarches d’éco-conception (cf. pour les services de communication et numériques, l'élaboration d'un référentiel général d'écoconception s'appuyant sur les travaux de l'ARCEP et de l'ADEME) ;
- Le décret relatif à l’indice de réparabilité des équipements électriques et électroniques et l’arrêté relatif aux modalités d’affichage, à la signalétique et aux paramètres généraux de calcul de l’indice de réparabilité. Ces obligations ne s’appliquent cependant qu’à certaines catégories d’équipements, essentiellement commercialisés pour l’instant dans le grand public ;
- La Loi de Grenelle II : l’article 75 oblige la réalisation d’un bilan des émissions de gaz à effet de serre (GES) pour les entreprises de plus de 500 salariés, les établissements publics de plus de 250 agents et les collectivités de plus de 50 000 habitants. Elle incite à la mise en place de mesures en faveur du développement des transports collectifs urbains ou de modes alternatifs à la route pour le transport de marchandises. Elle intègre des dispositions contre les nuisances sonores ou lumineuses ainsi que des mesures visant à responsabiliser les producteurs de déchets ;
- La Loi NRE (Nouvelles Régulations Économiques) oblige les sociétés cotées à publier dans leur rapport annuel des données relatives à la prise en compte des conséquences sociales et environnementales de leur activité́ ;
- La Loi de transition énergétique pour une croissance verte (LTECV) impose une réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de 40% entre 1990 et 2030, de la consommation énergétique finale de 50% en 2050 par rapport à 2012…, et de réduire de 50% la quantité de déchets mis en décharge d’ici 2025 ;
- Les exigences réglementaires thermiques pour les bâtiments existants impliquent un travail sur l’efficience énergétique des bâtiments ;
- Le Code de l’environnement intègre des dispositions relatives aux produits chimiques et aux déchets d’équipements électriques et électroniques ;
- Le Code de la commande publique vise à promouvoir des achats plus responsables. Sur ce registre, le CD2E dans les Hauts-de-France a mis au point "La clause verte" pour aider les acheteurs publics à intégrer des clauses environnementales lors de la rédaction de leurs marchés publics ;
- La Directive européenne dite RoHS II sur les substances dangereuses contenues dans les équipements numériques ;
- La Directive européenne DEEE II sur les déchets d’équipements électriques et électroniques ;
- La Directive européenne sur la promotion de l'utilisation d'énergie produite à partir de sources renouvelables.
Il faut suivre par ailleurs la proposition de Loi, déposée en décembre 2020 et visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France. Celle-ci souhaite une meilleure prise en compte de l’impact environnemental du numérique dans le bilan de la RSE ; limiter le renouvellement des terminaux et l’obsolescence programmée des logiciels ; favoriser le recyclage et la durabilité des produits numériques ; soutenir les usages numériques éco-responsables et l’éco-conception de services numériques ; favoriser les centres de données et les réseaux télécoms moins énergivores ; réviser le seuil d’éligibilité du tarif réduit du TICFE [1] selon les engagements environnementaux des opérateurs de centres de données ; intégrer dans les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) des projets de récupération de chaleur fatale de centres de données (si cela est possible) ; et la création de stratégiques numériques durables par les collectivités locales. Et bien sûr, le projet de Loi Climat et résilience ainsi que celui de Loi constitutionnel visant à inscrire la protection de l'environnement dans le premier article de la Constitution.
Dans ce mécanisme incitatif, il ne faut pas oublier :
- La feuille de route "Numérique & Environnement", publiée en février 2020, qui vise à faire converger les transitions numériques et environnementales, et à soutenir un numérique plus sobre et responsable. Elle s’accompagne notamment de nouvelles mesures comme le soutien aux centres de données « vertueux » en matière d’impact environnemental ;
- Le pacte vert pour l’Europe ou "The European Green Deal" qui propose un plan d’actions pour "promouvoir l’utilisation efficace des ressources en passant à une économie propre et circulaire" et "restaurer la biodiversité et réduire la pollution".
Quelles sont les autres incitations et actions normatives à suivre ?
En parallèle, les acteurs de l’écosystème du cloud peuvent intégrer et suivre d’autres incitations et initiatives, qui viennent souvent en écho des réglementations énoncées précédemment. Elles ont pour vocation de les aider et de les accompagner dans leur démarche sous la forme de méthodologies, de partages d’expérience et de bonnes pratiques, d’édiction de codes de bonne conduite, de référentiels, d’outils ou encore de certifications. Parmi ces actions, il faut noter (liste non exhaustive) :
- Le Pacte de Neutralité Climatique des Data Centres ou Climate Neutral Data Centre Pact à l’initiative du CISPE et de l’EUDCA [2] qui demande aux opérateurs qui le signent de s'engager sur 5 axes : l'efficacité énergétique de leurs centres de données avec des objectifs de PUE de 1,3 (climats froids) et 1,4 (climats chauds) [3] ; l’utilisation d’énergies renouvelables ; la maîtrise et la réduction de leur consommation en eau, mesurée par l'indicateur de WUE [3] ; l'implication dans des projets d'économie circulaire avec notamment la récupération de la chaleur fatale de leurs centres de données ; la mise en place de processus de gouvernance en coopération avec la Commission européenne ;
- Les codes de bonnes conduites de la Commission Européenne (EU DC Code of Conducts) ou les orientations et les guides d’organismes comme l’ASHRAE (TC 9.9 2015 - Data Center Environmental Guidelines) ou le DPP (Committed to Sustainability) ;
- Les méthodologies et les approches d’éco-conceptions et d’économie circulaire formulées par l’ADEME ou l’AFNOR ;
- Les diverses certifications, normes et standards de l’ISO (ISO 14001, ISO 50001…), de l’ETSI (ETSI TR 100 035 - Environmental Engineering (EE), ETSI ES 202 336 - Environmental Engineering (EE)…), de l’European Standards (CSN EN 50600-4-3 - Data centre facilities and infrastructures - Renewable Energy Factor), d’Energy Star, de LEED ou encore de l’Uptime Institute spécifiquement pour les centres de données ;
- Les labels LUCIE ou bas-carbone.
Ces dispositifs sont précieux pour structurer et valider les approches, mettre en place les référentiels adéquats en regard des engagements pris et des exigences attendues par le régulateur et les clients (référencements, appels d’offres, co-construction de produits ou de services…), mieux apprécier, mesurer et comparer les actions, et au-delà, les valoriser. Ils peuvent aussi permettre, par une prise de conscience commune au sein de l’écosystème du numérique, d’insuffler de vraies démarches volontaires reposant sur de nouveaux modèles de conception et de fonctionnement ainsi que d’usage de produits et de services.
Ils devraient inéluctablement conduire à plus de transparence et à l’émergence d’indicateurs communs cohérents, lisibles, mesurables et observables dans le temps. Dans l’urgence des échéances, un équilibre reste à trouver afin que les contraintes en regard ne brident pas les initiatives vertueuses aux apports positifs sur les objectifs défendus. Le numérique peut en effet être bénéfique pour lutter contre le réchauffement climatique, réduire l’empreinte carbone, identifier les actions à conduire pour préserver la biodiversité, mieux utiliser les énergies et diminuer les consommations associées.
[1] Taxe intérieure de consommation finale sur l’électricité – intégration, dans la Loi de finances pour 2021, d’un dispositif conditionnel « écologique » lié à l’abattement dont bénéfice les centres de données dans ce domaine.
[2] CISPE (Cloud Infrastructure Services Providers in Europe) – EUDCA (European Data Centre Association)
[3] PUE : Power Usage Effectiveness - WUE : Water Usage Effectiveness
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