Cloud et environnement, un mariage durable ?

Le cloud, un impact double

Le cloud repose sur le modèle de l’économie de la fonctionnalité. Dans le cas du cloud public (IaaS, PaaS ou SaaS), plutôt que d’acheter et de déployer des infrastructures en interne, un entreprise "loue" un service, dont les infrastructures et les environnements applicatifs sont hyper mutualisés, optimisés en termes de dimensionnement et de charge. Elle utilise ce service à la demande selon les besoins du moment. La ressource qu’elle n’utilise pas à un instant T peut être utilisée par une autre organisation. Rien que par ce modèle de l’économie de la fonctionnalité, une entreprise peut réduire ses impacts. Pour un même service, le cloud permet de partager au maximum les infrastructures et les applications.

Ceci étant dit, certaines pratiques peuvent annuler, voire générer un principe inverse : un usage inapproprié ou insuffisamment maîtrisé et l’effet rebond, aussi appelé paradoxe de Jevons. Par exemple, si une entreprise migre dans le cloud public des environnements pour un même usage, elle a des effets de leviers potentiellement positifs tant en termes de réduction d’empreinte que de coûts. Mais si cette entreprise migre ces mêmes environnements en ajoutant de nouveaux services ou en ne maîtrisant pas les usages associés, elle va potentiellement solliciter plus de ressources qu’avant et donc accroître son impact (et possiblement aussi ses coûts).

L’impact du cloud augmente dans son ensemble par transfert des impacts des clients qui migrent vers ces nouveaux services. Il y a transfert par externalisation des clients. L’impact augmente également avec l’essor, de manière plus générale, des usages numériques s’appuyant sur des services de cloud. Disposer d’une bonne gouvernance peut aider à les limiter. Ce phénomène n’est pas propre au cloud, il est généralisé à tous les usages numériques. Aujourd’hui, le secteur du numérique est l’un des secteurs où, d’ici 2030, les émissions de GES devraient doubler pour passer de 4% de l’ensemble des émissions mondiales à environ 8%. La croissance de la demande en énergie est aussi accentuée ces dernières années par les usages accélérés de l’IAGen. La consommation énergétique des acteurs de la Tech a évolué de +18,5% en valeur absolue entre 2021 et 2023 (voir étude d'AdVaes de mars 2025), et de près de +9% en moyenne annuelle sur cette période. Les opérateurs de cloud, et de data centers, ont connu les plus fortes croissantes en regard d’autres acteurs du marché, tels que les éditeurs de logiciels ou les entreprises de services du numérique (ESN). Les premiers signaux pour 2024, issus des analyses en cours d’AdVaes, montrent cependant que ces acteurs arrivent à contenir cette évolution par les actions d’optimisation engagées.

Les actions d'optimisation à appliquer portent également sur les usages faits de ces services. Les clients finaux ont aussi une responsabilité dans leurs usages du cloud. Les leviers à activer concernent tant les fournisseurs que les clients. Il y a co-responsabilité.

Bonnes pratiques et gouvernance du cloud

EuroCloud France a publié en janvier 2025 un Guide de Bonnes Pratiques pour un Cloud Écoresponsable. Celui-ci donne des pistes sur des bonnes pratiques déployées par la profession ainsi que sur des référentiels sur lesquels s’appuyer. Parmi les leviers identifiés, pour maîtriser l’impact environnemental du côté des fournisseurs de services de cloud et des DSI, figurent diverses actions telles que : l’assemblage au juste composant pour le hardware, le prolongement de la durée de vie des équipements, la maximisation du taux de charge des serveurs, l’optimisation de la latence, le choix des localisations pour un traitement au plus près des données (edge), toutes les actions d’amélioration des sauvegardes, le nettoyage des données, l’automatisation de l’arrêt d’un service quand il n’est pas ou plus utilisé, la suppression des instances non utilisées, l’apprentissage avec des modèles plus petits du côté de l’IA, l’optimisation des servitudes sécuritaires, le choix de PCA (double ou triple redondance), etc. Au moment du choix, il s’agit de s’assurer des systèmes de refroidissement privilégiés par les data centers ainsi que les sources d’énergie consommées en favorisant celles bas carbone ou renouvelables. Il s’agit également de s'assurer que des processus d'économie circulaire sont bien mis en place et que les prestataires qui les traitent le font en conformité avec la réglementation. Tous les acteurs de la chaîne ont des droits et des devoirs à ce sujet.

Et, pour bien agir, il s’agit aussi de mesurer en tenant compte de tout le cycle de vie d’un service de cloud. Des solutions logicielles d'évaluation d'impact environnemental des services de cloud existent aujourd'hui sur le marché. AdVaes les a comparées dans le cadre d'une étude-benchmark sortie en juin 2025. Elles peuvent ne couvrir que le périmètre du cloud ou aller au-delà, couvrir plus largement le périmètre IT. Elles peuvent n'adresser que la mesure de l'empreinte carbone ou aider à la réalisation d'ACV (Analyse du Cycle de Vie). Elles peuvent aider à simuler pour déterminer les meilleures options.

La notion de responsable appelle diverses dimensions. Il y a bien sûr les impacts environnementaux sur lesquels activer tout ou partie des actions évoquées précédemment. Il s’agit par ailleurs d’intégrer les incidences sociétales, en matière d’éthique, de sécurité, de confiance et de résilience. Ces sujets ESG sont systémiques, en lien fort avec l’économie, la performance et le financier.

Seule une (bonne) gouvernance permet de les apprécier dans leur ensemble et d’évaluer les risques et les apports de chacun.

🌟🌟🌟 Pour retrouver le replay du hors-série des Dossiers BFM Business du 4 octobre 2025 "Cloud, entre moteur d’innovation et défi de souveraineté", cliquez ici (volet environnemental à partir de la minute 17:40).